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Transports Canada condamne partiellement le port de Cap-aux-Meules: Colère chez les usagers

Plusieurs bornes d'amarrage condamnées ont été recouvertes d'un caisson de bois
Publié par Antonin Valiquette

Îles de la Madeleine

Les utilisateurs du quai des pêcheurs au port de Cap-aux-Meules (situé en face des bureaux locaux du MAPAQ) ont reçu comme une douche froide un avis de restriction des usages, il y a deux semaines, qui condamne près de la moitié des 24 bornes d’amarrage principales qui s’y trouvent.

Dans son avis daté du 25 février le ministère de Transports Canada annonce aux occupants et aux utilisateurs, quelques semaines avant l’ouverture de la pêche aux pétoncles aujourd’hui et celle au crabe des neiges prévue pour le début avril, qu’une inspection détaillée des infrastructures menée l’automne dernier révèle une dégradation du quai qui entraîne une diminution de 37% du coefficient de sa capacité portante par rapport à la dernière évaluation.

Par conséquent, la directrice régionale des programmes du ministère fédéral basée à Québec, Lynn Daoust,  précise par voie de courriel que l’utilisation de grues de chargement ou de véhicules lourds est dorénavant interdite sur l’ensemble du quai.

Les zones condamnées sur le secteur nord du quai des pêcheurs de Cap-aux-Meules
source: Avis de Transports Canada

Elle ajoute que certains équipements du quai devront être déplacés, par exemple les stations de débarquements des usines de transformation Fruits de mer Madeleine et de LA Renaissance des Îles, qui sont connectées au réseau électrique et à l’eau courante, sans préciser de nouvel emplacement.

Plan à l’appui, l’avis décrète aussi une interdiction d’amarrage sur au moins 11 des quelques 24 bornes d’amarrage principales du quai des pêcheurs dans les secteurs nord et ouest.

Les zones condamnées sur le secteur ouest du quai des pêcheurs de Cap-aux-Meules
source: Avis de Transports Canada

Toutefois, la restriction d’usages ne s’applique pas à la cale de halage, propriété officielle de la CTMA, pour la mise à l’eau des homardiers ou des bateaux de plaisance, qui doivent toujours être manipulés avec l’ancienne grue portique puisque la dalle de ciment autour de la cale n’a pas encore été renforcée afin de supporter la grue d’une capacité de 300 tonnes.

Sans compter que Transports Canada n’a toujours pas délivré le permis d’occupation de la cale pour le nouvel engin du RUPCAM, financé par Québec.

La cale de halage de Cap-aux-Meules a besoin de travaux pour pouvoir éventuellement supporter la grue portique du RUPCAM d’une capacité de 300 tonnes

De plus, l’avis de Mme Daoust mentionne que des bordures de ciment seront installées afin de délimiter les nouveaux espaces qui seront désormais  fermés à la circulation de véhicules, en plus d’annoncer que des bornes d’amarrage seront condamnées.

Certaines bornes libres d’amarres sont déjà recouvertes de caissons de bois.

Plusieurs bornes d’amarrage condamnées ont déjà été recouvertes d’un caisson de bois

Le milieu est indigné :

Le pêcheur de crabe et de pétoncles et président du Regroupement des utilisateurs du port de Cap-aux-Meules (RUPCAM) Jocelyn Thériault, ne cache pas son indignation, ni sa colère.

Il dénonce ce qu’il considère comme un laxisme flagrant et un manquement du ministère fédéral des Transports face à ses responsabilités de propriétaire du quai, en affirmant que les usagers lui demandent depuis des années d’investir dans l’entretien des infrastructures névralgiques pour l’économie locale.

Le président du RUPCAM, Jocelyn Thériault

Pour lui, les interdictions d’accès et d’amarrage représentent une catastrophe, particulièrement pour les bateaux semi-hauturiers de 65 pieds et plus à fort tirant d’eau et qui ont besoin d’une profondeur conséquente pour circuler, qu’on ne retrouve pas dans n’importe quel port des Îles :

L’espace pour manœuvrer au quai des pêcheurs de Cap-aux-Meules, qui était déjà restreint, sera tout simplement insuffisant selon lui pour assurer la sécurité des marins et des navires qui devront selon lui « s’amarrer à l’épaule » les uns aux autres, avec une rotation incessante pour les déchargements:

Les usines de transformation des produits de la mer sont inquiètes et déçues

Pour sa part, le directeur des opérations à l’usine Fruits de Mer Madeleine, Pascal Harvie, estime qu’entre 80 et 85% des débarquements de crabes de l’entreprise se font à Cap-aux-Meules.

L’accès à la bâtisse et au nouveau treuil de l’usine Fruits de mer Madeleine est condamné par Transports Canada

L’avis de Transports Canada forcerait l’entreprise à déménager son bâtiment et son matériel de réception des captures, une opération complexe et pratiquement impossible à accomplir selon M. Harvie, considérant le court délais avant l’ouverture de la saison de pêche :

Il déplore que Fruits de mer Madeleine ait dû défrayer les coûts d’une étude d’ingénierie sur la capacité de charge de sa parcelle de quai, qui a été approuvée il y a moins d’un an par Transports Canada afin d’installer un treuil de déchargement, et que le même ministère l’oblige quelques mois plus tard à le déplacer :

Le poste de travail de l’usine LA Renaissance des Îles est lui aussi visé par la restriction d’usages du ministère.

Son directeur des opérations, François Albert, estime pour sa part qu’environ 60% de ses débarquements de crabe des neiges se font au quai de Cap-aux-Meules.

Le bâtiment de LA Renaissance des Îles se trouve aussi à l’intérieur d’une zone condamnée

Il ajoute qu’une dizaine de semi-hauturiers de la Gaspésie et du Nouveau-Brunswick s’ajoutent aux pêcheurs Madelinots réguliers pour l’approvisionnement de LA Renaissance et qu’ils devront bien s’amarrer quelque part durant le mouillage des casiers :

Il rappelle également que la position géographique particulière de l’archipel dans le golfe fait en sorte que des gros bateaux de pêches s’abritent souvent au quai de Cap-aux-Meules en cas de tempêtes :

Jocelyn Thériault, Pascal Harvie et François Albert, demandent à Transports Canada de retarder l’application des restrictions d’usages, minimalement jusqu’en 2022, considérant que les risques à la sécurité seraient plus grands en improvisant un réaménagement des opérations à la dernière minutes, plutôt qu’en utilisant l’étendue déjà restreinte du quai, même s’il se trouve en mauvais état.

Presque la moitié des bornes d’amarrage du quai des pêcheurs sont interdites d’usage

La CTMA fait partie des mécontents

De son côté, le directeur de la CTMA, Emmanuel Aucoin, n’est pas surpris de l’avis de Transports Canada, affirmant qu’une fermeture partielle du quai n’était qu’une question de temps étant donné la méthodologie coutumière du ministère lorsqu’il est question d’entretenir ses propres infrastructures.

Selon lui, le bureau du ministère fédéral à Québec n’a pas conscience de l’importance du quai de Cap-aux-Meules pour la communauté madelinienne.

Il précise que l’inspection du quai, l’automne dernier, n’était pas liée au dossier de renforcement de la cale de halage pour la nouvelle grue portique. Selon M. Aucoin, le ministère se limite depuis de nombreuses années aux inspections minimales obligatoires sur l’état de la capacité de portance :

Il souligne que déménager l’espace d’amarrage du gros remorqueur de la CTMA, le Spanish Mist, est hors de question puisque le navire dispose d’une installation d’alimentation électrique particulière à cet endroit.

La portion de quai où s’attache le remorqueur de la CTMA, Spanish Mist, est aussi fermée

Toutefois, M. Aucoin affirme avoir suggéré des pistes de solutions au ministère, notamment l’achat de ballons à placer entre le quai et le remorqueur qui serait amarré en gardes ou en pointes, plutôt qu’en travers, afin de réduire la pression exercée sur la portion condamnée du quai :

Photo: mersetbateaux.com

Il propose aussi de dépanner les semi-hauturiers qui n’auraient pas de places d’amarrage en offrant des espaces temporaires au quai du traversier ou encore à celui du Voyageur II, lorsque les navires sont sortis :

La députée et ministre Diane Lebouthillier réagit:

La députée fédérale et ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, a appris la décision de Transports Canada il y a une dizaine de jours, suite à un appel du directeur général de la CTMA.

La députée régionale et ministre fédérale du Revenu national, Diane Lebouthillier

Elle affirme s’être aussitôt entretenue, à deux reprises depuis, avec son homologue aux Transports, Omar Alghabra, pour lui expliquer l’importance des opérations au quai des pêcheurs de Cap-aux-Meules, impossibles à relocaliser ailleurs, comme sur le continent, étant donné la particularité insulaire de l’archipel :

Elle demande elle aussi que Transports Canada maintienne le statu quo opérationnel du quai et de ses infrastructures cette année afin de réfléchir convenablement à un plan d’action avec des investissements d’entretien pour l’avenir :

Suite à une récente demande d’information de CFIM concernant les travaux d’ajustement de la rampe d’embarquement au quai du traversier, le services des Relations avec les médias de Transports Canada avait spécifié qu’aucun autre projet de travaux n’était prévu au quai de Cap-aux-Meules.

La salle des nouvelles de CFIM attend actuellement une réponse à une demande d’entrevue transmise en fin de semaine au cabinet du ministre des Transports, Omar Alghabra.

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