Une surévaluation des stocks de crabe des neiges pourrait entraîner une baisse significative des quotas en 2021
Bien que l’ensemble des indicateurs de la dernière évaluation scientifique des stocks de crabes des neiges dans le sud du golfe démontrent une bonne santé de la ressource en termes de reproduction et de recrutement, l’exercice ne permet pas cette année de chiffrer avec précision la biomasse.
La biologiste de Pêches et Océans Canada et cheffe de section pour les crustacés dans le sud du golfe à Moncton, Amélie Rondeau, explique que depuis le changement de bateaux pour les relevés, en 2019, on a toujours soupçonné que les données étaient surévaluées, notamment en observant un bond de 30% de la biomasse cette même année, qui ne s’expliquait par aucun facteur biologique.
Mme Rondeau explique qu’on avait ajusté les protocoles de prélèvements l’an dernier pour compenser la plus grande vitesse du nouveau bateau et son impact sur la quantité de crabe récoltée sur les traits au chalut de 5 minutes règlementaires,
Elle ajoute cependant que les indicateurs demeurent tout de même en écart :
En l’absence d’évaluation affirmative de la taille des stocks par les sciences, le comité consultatif a décidé de retenir une recommandation de prudence à l’attention de la gestion du MPO, en reconnaissant une réduction moyenne et approximative de 15% sur la biomasse commerciale de 80 mille tonnes évaluée en 2019, alors que d’autres indicateurs pour les prérecrues et pour le stock reproducteur laissent entrevoir une surévaluation allant jusqu’à 40% selon la biologiste :
Diminution des quotas à prévoir
Si le ministère retient la recommandation du comité consultatif, la formule de calcul qui détermine le Total de Captures Admissibles (TAC) pourrait faire diminuer de près de 25% les quotas aux pêcheurs dans la zone 12 cette année par rapport à l’an dernier, selon le porte-parole des crabiers traditionnels des Îles Paul Boudreau:
Un plan pour ajuster les relevés scientifiques et l’évaluation des stocks
Afin de réajuster les données d’équivalence des relevés scientifiques, Amélie Rondeau affirme qu’on travaille sur des modifications aux protocoles, par exemple en installant une caméra sous-marine pour vérifier visuellement la performance du chalut à la remontée des filets.
Elle prévoit aussi mettre à jour la méthodologie dans l’interprétation des données, en incorporant d’autres éléments de calcul comme la température de l’eau et les particularités géographiques des 355 stations d’échantillonnage :
Elle rappelle que la biomasse commerciale est composée aux trois quarts de recrues de l’année et que la surévaluation pourrait aussi entraîner une baisse de performance dans l’effort de pêche :
De son côté, Paul Boudreau estime que d’autres facteurs peuvent aussi expliquer la baisse des rendements des sorties de pêche en mer :
Réchauffement de la température de l’eau: Pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour l’espèce
À sa dernière présentation publique, l’Océanographe physicien à l’Institut Maurice-Lamontagne, Peter Galbraith, révélait que la couche intermédiaire froide du golfe, où vit le crabe des neiges, pourrait rapetisser cette année en raison de l’absence de couvert de glace dans le golfe.
La biologiste Amélie Rondeau souligne qu’on surveille étroitement la contraction de la couche d’eau qui s’étend habituellement jusqu’à 75 mètres de profondeur, qui pourrait avoir un impact sur la répartition des stocks de crabes des neiges selon elle.
Elle ajoute toutefois qu’un réchauffement des eaux pourrait en contrepartie accélérer le cycle reproducteur de l’espèce :
Les crabiers de la zone 12 s’entendent pour une ouverture hâtive
D’autre part, le comité consultatif recommande une date d’ouverture pour le 1er avril dans la zone 12, conditionnelle aux conditions de glaces en vigueur.
La ministre fédérale des Pêches et des Océans mentionnait la semaine dernière en entrevue qu’elle favorisait une seule et même date d’ouverture pour la zone, en se disant confiante que la pêche au crabe des neiges s’ouvrira dès le début avril compte tenu du faible couvert de glace et de la disponibilité d’infrastructures de déglaçage disponibles dans le secteur.