Avec un seul km3 dans le golfe, le volume du couvert de glace est actuellement15 fois inférieur à la moyenne des dernières années à pareille date selon le Service canadien des glaces et selon l’Institut Maurice-Lamontagne.
Couverts de glaces du 26 janvier 2019 et du 25 janvier 2021
Source: Service canadien des glaces
Le physicien océanographe chez Pêches et Océans, Peter Galbraith, explique que la température de surface plus élevée que la normale, n’aura pas le temps de refroidir suffisamment pour former un couvert de glace significatif, même si la température atmosphérique devait chuter drastiquement en février.
Il s’attend à des valeurs particulièrement basse cette année pour ce qui est de la proportion des glaces dans le golfe étant donné le temps doux et les épisodes de vent en décembre et en janvier:
Pas de panique pour la biomasse du crabe des neiges:
Les impacts de l’absence de glace ne seraient pas nécessairement alarmants pour les stocks de crabe des neiges selon le scientifique, particulièrement dans le secteur du plateau madelinien, où on a toutefois enregistré des températures largement au-dessus la normale en 2020.
L’habitat du crabe des neiges est associé à la couche d’eau intermédiaire froide du Golfe
Peter Galbraith souligne qu’il s’agit vraisemblablement des conséquences d’un événement ponctuel, soit le passage de la tempête Teddy en août, qui a brassé les colonnes d’eau juste avant la cueillette de données.
Il prend l’exemple de 2010, alors que l’étendue du couvert de glace était aussi très faible.
Même si l’eau de surface oscille entre le point de congélation et -1 degré Celsius durant l’hiver, la couche intermédiaire d’eau froide peut être suffisamment importante pour offrir un habitat favorable au crustacé :
Les eaux du golfe se répartissent en trois couches distinctes lorsqu’on parle de températures:
La couche intermédiaire froide du golfe, située entre les eaux de surface affectées par la température de l’air et les eaux profondes qui ne le sont pas, peut se situer à 75 mètres de profondeur :
Le réchauffement des eaux du golfe est particulièrement flagrant lorsqu’on observe la couche des eaux profondes.
L’océanographe physicien à l’Institut Maurice-Lamontagne, Peter Galbraith
L’océanographe physicien précise que depuis 2015, les records de chaleur sont systématiquement fracassés, en notant qu’on a observé une température soutenue supérieure à 7 degrés à l’embouchure du Détroit de Cabot pour la première fois en 2020.
La répartition de cette eau chaude profonde circule ensuite dans le golfe sur des fonds marins plus élevés, ce qui peut entraîner des impacts pour les écosystèmes de certaines espèces halieutiques :
Il explique ce phénomène par la disproportion de plus en plus importante entre les eaux du Gulf Stream, un courant océanique plus chaud par rapport aux eaux froides provenant du Labrador, qui s’engouffrent dans le golfe.
Le réchauffement des eaux est donc surtout attribuable au déplacement des courants marins de l’Atlantique, qu’une étude récente attribue d’ailleurs au phénomène global des changements climatiques :
Globalement, la moyenne de température des eaux profondes du golfe est passée de 5,2 à 6,7 degrés Celcius entre 2009 et 2020.
Changement à la climatologie de l’IML
L’Institut Maurice-Lamontagne vient d’ailleurs de changer la période effective de données comparatives utilisées dans le calcul de ses études climatologiques qui s’échelonnent sur 30 ans.
En retirant les années 80 de ses références, les écarts comparatifs sont moins grands entre les valeurs maximales et minimales, notamment pour ce qui concerne l’évolution du réchauffement des eaux ou l’étendue des glaces.
Peter Galbraith rappelle qu’il faut toutefois accorder autant d’importance aux données empiriques et ajuster notre interprétation des variations au nouveau cadre de climatologie.
